Home / Culture, technologies et médias / Coronavirus : gare à la « quarantaine numérique »
numerique

Coronavirus : gare à la « quarantaine numérique »

Attribuer une couleur ou retirer l’accès à un service numérique en fonction de votre degré d’exposition : voici de nouveaux moyens de pression, redoutables.

C’est un concept aussi désarçonnant que particulièrement coercitif : la mise en quarantaine numérique. Kesako ? Le fait de couper l’accès à certaines applications d’un citoyen lorsque ce dernier contrevient à certaines obligations qui lui ont été fixées : le fait de rester confiné dans une zone géographique, par exemple. Dès début février, le spécialiste de la micro-informatique Balaji Srinivasan sonnait l’alarme, annonçant sur Twitter : « La quarantaine digitale est là. Il se trouve que les gens qui ont quitté Wuhan ont été mis en quarantaine numérique, notamment sur WeChat. Leur appli ne fonctionne pas en dehors de la zone de quarantaine ! »

Impensable ? Si, pour l’instant, Tencent, la maison mère de WeChat, n’a pas confirmé cette information, il semble très facile de couper l’accès au service en fonction du profil, comme l’a expérimenté Stephen McDonell, journaliste de la BBC. Après avoir posté des photos qui n’avaient pas plu aux autorités, son application avait été désactivée, en même temps qu’il recevait ce message : « Ce compte WeChat a été suspecté de véhiculer des rumeurs malicieuses et a été temporairement bloqué. » Cela pourrait être anecdotique, mais être privé de WeChat est de plus en plus pénalisant au quotidien en Chine. L’application est tout à la fois un outil de rencontres, de cartographie, d’informations, d’actualité, mais aussi un instrument de paiement et un lecteur de QR Code. Et WeChat est bien utile en ces temps d’épidémie : ainsi, dans un nombre croissant de restaurants, le menu « papier » a été retiré des tables par crainte de propagation du coronavirus. On scanne alors le QR Code et on passe commande sur son mobile. « Le QR Code va encore accélérer la digitalisation de l’économie chinoise », anticipe Frédéric Schaeffer, journaliste des Échos en poste à Pékin.

Une plus grande surveillance

Cette menace s’appuie bien souvent sur une plus grande surveillance. Ainsi, les autorités chinoises, et plus précisément la direction générale du Conseil des affaires d’État, la Commission nationale de la santé et China Electronics Technology Group Corporations (CETC), ont lancé une application mobile, rapporte l’agence gouvernementale Xinhua. Baptisée « détecteur de contacts étroits », elle promet de permettre aux habitants de vérifier leur exposition aux risques d’infection au coronavirus. Pour y accéder, il faut renseigner son nom, son numéro de pièce d’identité et, bien sûr, renseigner son numéro de téléphone portable. Et les personnes qui veulent utiliser des services très populaires en Chine, comme WeChat, QQ, ou encore Alipay, une filiale financière du géant du e-commerce Alibaba, se voient assigner un QR Code d’une certaine couleur : vert, jaune ou rouge. En réalité, chaque couleur a une signification. Un code vert signifie que vous pouvez vous déplacer partout, sans aucune restriction. Une personne qui a un code jaune peut se voir demander de rester à la maison pendant une semaine. Et un code rouge se traduit normalement par une quarantaine de deux semaines. D’après le New York Times, quelque 50 millions d’habitants de la province de Zhejiang, dont la capitale est Hangzhou, avaient déjà téléchargé cette application au 24 février, et un million d’entre eux avaient un QR Code jaune ou rouge. Comment ces couleurs sont-elles attribuées ? Si Alibaba n’a pas encore répondu à cette question à propos du service offert par sa filiale Alipay, la notation s’appuierait, selon le New York Times, par le fait de savoir si, oui ou non, la personne qui a chargé l’application a été en contact avec une personne infectée, a visité une zone où le coronavirus est très présent, ou encore a déclaré avoir les symptômes d’un porteur de virus. Enfin, toujours d’après le quotidien américain et la BBC, l’application s’appuierait sur des données récupérées lors de contrôles gouvernementaux, et il serait recommandé de suivre les recommandations géographiques pour pouvoir accéder au service des applications partenaires.

On connaissait déjà les intimidations après des posts jugés critiques sur les réseaux sociaux, on découvre désormais la coupure du service. Mais la Chine n’a pas le monopole de cette quarantaine numérique. À la demande de l’autorité locale de santé, Uber a récemment suspendu quelque 240 comptes d’utilisateurs du service de transport au Mexique. La raison ? Lesdits utilisateurs ont été en contact avec deux conducteurs ayant transporté une personne soupçonnée d’avoir le coronavirus.

La tentation de proposer un service à la carte n’est jamais vraiment loin. Ainsi, en 2018, Grindr avait lancé un sondage demandant à ses membres s’ils estimaient concevable que des personnes atteintes du sida puissent être exclues du réseau social. Ce qui avait alors heurté le blogueur Josh Robbins, qui avait pris des captures d’écran du sondage. Une des questions posées était : « Que penseriez-vous du fait que les membres soient filtrées en fonction du fait qu’ils aient le sida ou non ? »

Source : Le Point.fr

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *