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Madagascar : le cri d’alarme du pape

Déforestation, corruption, inégalités : le pape François a multiplié les mises en garde face aux maux qui minent la Grande Île et obèrent son développement.

L’étape malgache du voyage, qui a également conduit le souverain pontife au Mozambique et à l’île Maurice, a été marquée par des déclarations fortes du pape sur des thèmes de toute première importance dans l’un des pays les plus pauvres du monde. Alors que les incendies de forêt en Amazonie et en Afrique ont défrayé l’actualité, le souverain a attaqué bille en tête en poussant dès samedi un cri d’alarme face à « la déforestation excessive » de Madagascar, suggérant aux autorités de créer des emplois respectueux de l’environnement pour sortir la population d’une précarité parfois « inhumaine ».

Feux de forêt, braconnage, coupe effrénée d’essences précieuses, exportations illégales de bois : les causes sont multiples, a énuméré le pape. Et pour lui, « cela compromet l’avenir du pays ». Les activités du bois « assurent parfois leur survie », a reconnu le souverain pontife, qui voit une seule solution : créer des emplois qui respectent l’environnement. « Environ 200 000 hectares par an de forêts sont perdus chaque année à Madagascar », a estimé Philip Boyle, l’ambassadeur britannique dans la Grande Île, qui a écouté le discours du pape. Certains prédisent « la disparition de la majorité de la forêt tropicale humide d’ici à 2040 », a-t-il ajouté. Très sensible à la préservation de la planète qu’il a qualifiée de « maison commune », le pape s’est montré préoccupé par « la déforestation excessive au profit de quelques-uns » qui sévit sur la Grande Île. Le gouvernement, confronté aux feux de forêt et de savane allumés par des paysans, entend les sensibiliser contre cette pratique illégale. Le ministre de l’Environnement, Alexandre Georget, a dit que son pays était « prêt à relever le défi » pour « faire de Madagascar une île verte ». « La dégradation des forêts est en régression par rapport à 2018 », a-t-il assuré. Le ministre a aussi évoqué une prochaine campagne de reboisement par, entre autres, « un bombardement aérien de graines d’arbres dans les zones à reboiser » et précisé que « 40 000 hectares » avaient été replantés en six mois. Pour encourager cette dynamique, le pape a symboliquement planté un baobab, juste devant le pavillon où il a prononcé son discours.

Dès son premier discours sur le territoire malgache, le pape François est entré dans le vif du sujet en encourageant les responsables politiques, civils et religieux à lutter contre « la corruption et la spéculation qui augmentent la disparité sociale ». Il faut « affronter les situations de grande précarité et d’exclusion qui produisent toujours des conditions de pauvreté inhumaine », a prôné celui que l’on appelle le « pape des pauvres ». Depuis son indépendance de la France en 1960, les Malgaches « ont sombré dans le désespoir, ont perdu leurs repères », a reconnu le chef de l’État devant le pape, en promettant de « redresser le pays » et d’être « attentif aux plus démunis ». « La corruption et les inégalités nous indignent ! » a déclaré, pour sa part, le cardinal Désiré Tsarahazana, président de la Conférence épiscopale de Madagascar, qui a aussi rencontré le pape samedi avec tous les évêques de l’île. « L’insécurité reste toujours très préoccupante », a-t-il déploré.

Le président Andry Rajoelina, qui avait renversé Marc Ravalomanana en 2009 et a dirigé une période de transition jusqu’en 2014, est revenu au pouvoir l’an dernier lors d’une présidentielle apaisée, promettant emplois et logements. Au-delà de cette question, samedi soir, le pape est allé à la rencontre des jeunes, tranche d’âge majoritaire du pays, pour une veillée de prière dans un champ aménagé de 60 hectares où se sont massées 100 000 personnes, selon les organisateurs. Njara Raherimana, un étudiant de 17 ans, a déclaré  avoir fait 100 kilomètres pour recevoir « une bénédiction du pape pour affronter la dure réalité de la vie, l’insécurité, la pauvreté, la corruption ». « Cela me donne de l’espoir pour un changement », a glissé Antony Christian Tovonalintsoa, un étudiant de 17 ans, de la périphérie d’Antananarivo. « Avec cette veillée, les jeunes peuvent prendre conscience de leur rôle et de la nécessité de ne pas se laisser manipuler par les vieux dirigeants politiques », a-t-il ajouté. Gratifié de chorégraphies et de chants rythmés, le pape François a loué leur « joie et leur enthousiasme », les appelant à ne pas verser dans « l’amertume » et à ne pas abandonner « l’espoir ». Même si « on ne dispose pas du minimum nécessaire pour se battre au jour le jour » ou « lorsque les opportunités effectives d’étudier ne sont pas suffisantes », a-t-il ajouté. Important à retenir : plus de la moitié des jeunes Malgaches ne trouvent aucun emploi, même bardés de diplômes.

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