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Climat : dépasser la prise de conscience

Les signaux d’alarme sur l’accélération du réchauffement climatique se multiplient et, pourtant, les actions engagées pour tenter d’inverser le phénomène ne sont désespérément pas à la hauteur des enjeux. Deux nouveaux avertissements viennent de nous être lancés, mercredi 1er août. L’année 2017 a été classée comme l’une des trois années les plus chaudes de l’histoire moderne, selon le rapport annuel de l’agence fédérale américaine National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA).
Le 1er août est également le jour où l’humanité a consommé l’ensemble des ressources que la nature peut régénérer en un an, selon les calculs du réseau international du Global Footprint Network et celui du WWF. Année après année, ce « jour du dépassement » est de plus en plus précoce : en 1975, c’était le 1er décembre ; en 1995, le 5 octobre ; en 2015, le 4 août, et en 2017, c’était le 2 août.
D’un côté, les mesures des scientifiques de la NOAA et l’actuelle vague de chaleur qui fait suffoquer les populations d’Europe du Nord, du Japon, du Canada ou du Pakistan, laissent peu de doute sur la réalité du réchauffement climatique. De l’autre, l’« empreinte écologique » grandissante de l’homme, illustrée notamment par la hausse des émissions des gaz à effet de serre et par l’augmentation des surfaces cultivées, brosse le tableau d’une planète au bord de la rupture sans que les actes suivent la prise de conscience.

Deux ans et demi après l’accord de Paris, conclu lors de la COP21 pour contenir le réchauffement sous le seuil des 2 °C, « l’union sacrée pour le climat » à laquelle appelle Nicolas Hulot, le ministre de la transition écologique et solidaire, se fait toujours attendre. Certes, des villes se rassemblent autour d’objectifs de transformation de leurs usages en matière d’énergie, de logement ou de transport. Certes, des entreprises se projettent vers une économie rejetant moins de carbone, et le monde de la finance réévalue peu à peu sa politique d’investissement à la lumière du risque climatique. Un sommet mondial des acteurs non étatiques, le premier du genre, devrait mettre à l’honneur ces initiatives, mi-septembre, à San Francisco.
Toutefois, les Etats restent le maillon faible de cette mobilisation. C’est le cas des Etats-Unis de Donald Trump, l’un des derniers dirigeants climatosceptiques de la planète, qui a isolé son pays en ouvrant la voie, en juin 2017, à son retrait de l’accord de Paris. De son côté, l’Union européenne peine à réviser à la hausse ses objectifs de réduction de gaz à effet de serre. Il s’agit pourtant d’un effort indispensable. La Chine, premier émetteur mondial de CO2, est, elle aussi, confrontée à la contradiction entre les engagements de l’accord de Paris et la poursuite d’une croissance économique soutenue. Partout, les lobbys tentent de remettre en question les maigres avancées, comme au Canada, qui vient d’assouplir son projet de taxes sur les émissions de gaz à effet de serre.

Les Etats n’ont d’autre choix que d’agir vite et d’interroger les modes de production et de consommation qui font des hommes les prédateurs de la nature. Pour contenir la hausse des températures, l’accord de Paris indique clairement la voie en visant la neutralité carbone dans la seconde moitié du siècle. Cet objectif implique de laisser sous terre la plus grande partie des réserves d’énergies fossiles, les carburants du réchauffement. Combien faudra-t-il d’avertissements pour que l’humanité cesse de rester accrochée à un modèle qui conduit à sa perte ?

Mais la surchauffe planétaire est d’autant plus notable que, cette fois, elle ne doit rien au phénomène El Niño, ce cycle naturel de réchauffement des eaux du Pacifique qui, tous les trois à sept ans, tire les températures vers le haut, et dont l’influence s’était fait fortement ressentir en 2015 et 2016. Les douze mois de 2017 se hissent donc au rang d’année sans El Niño la plus torride depuis le début des relevés, à la fin du XIXe siècle.

C’est ce qu’indique le rapport sur l’état du climat en 2017, publié mercredi 1er août par la National Oceanic and Atmospheric Administration, l’agence fédérale américaine chargée de l’observation des océans et de l’atmosphère. Une synthèse annuelle établie en collaboration avec l’American Meteorological Society et à laquelle ont contribué plus de 500 scientifiques de soixante-cinq pays, qui ont compilé plusieurs dizaines de milliers de mesures.

« Le rapport établit que les principaux indicateurs continuent de montrer des tendances confirmant un réchauffement planétaire », soulignent les chercheurs. Revue de détail d’une planète en ébullition.

Gaz à effet de serre
La concentration dans l’atmosphère de gaz à effet de serre (dioxyde de carbone, méthane, protoxyde d’azote…) a atteint un nouveau pic en 2017. Elle s’est élevée à 405 parties par million (ppm) pour le CO2, soit 2,2 ppm de plus qu’en 2016. L’étude des gaz emprisonnés et conservés dans les carottes glaciaires montre que cette concentration est sans précédent depuis… 800 000 ans.

Lire aussi : Les émissions mondiales de CO2 repartent à la hausse

Il faut s’attendre à une accentuation du réchauffement dans les années à venir, dans la mesure où, après trois années de stagnation, les émissions mondiales de CO2 sont reparties à la hausse en 2017, en progressant de 2 %.

Une situation qui a contribué à attiser des incendies très destructeurs en Colombie-Britannique (Canada), en Espagne ou au Portugal, même si, sur le front des feux, l’année écoulée a été la plus calme à l’échelle mondiale depuis 2003.

Ouragans
Avec 85 cyclones tropicaux, 2017 a légèrement dépassé la moyenne annuelle de 82 événements observée sur la période 1981-2010. Seul le bassin nord-atlantique a connu une activité cyclonique nettement plus prononcée que la moyenne, avec en particulier les ouragans Harvey, fin août-début septembre au Texas et en Louisiane, ainsi qu’Irma et Maria, en septembre, dans les Caraïbes, d’une intensité exceptionnelle, avec des vents atteignant respectivement 295 km/h et 280 km/h.

Températures terrestres:

Globalement, les températures à la surface de la Terre ont excédé de 0,38 °C à 0,48 °C la moyenne de la période 1981-2010. Les quatre dernières années (2014-2017) sont ainsi les plus chaudes jamais mesurées. Plusieurs pays, comme l’Argentine, la Bulgarie, l’Espagne ou l’Uruguay, ont enregistré des records absolus de températures annuelles moyennes. Des pointes de 43,5 °C ont été relevées en janvier, en Argentine, et de 53,5 °C en août, dans l’ouest du Pakistan.

Océans:

Les températures moyennes à la surface des océans, elles, sont restées légèrement en dessous de celles de 2016. Mais les trois dernières années ont été les plus chaudes jamais mesurées, avec, depuis 2000, une hausse moyenne de 0,17 °C par décennie.
La partie supérieure des océans (jusqu’à 700 mètres de profondeur) a accumulé une quantité de chaleur inégalée. Il s’agit d’un indicateur crucial du réchauffement, car les océans absorbent plus de 90 % de la chaleur additionnelle due au gaz à effet de serre, dont 1 % seulement va dans l’atmosphère, le reste se partageant entre les glaces et les sols.

Il en est résulté une poursuite du phénomène de blanchissement massif des coraux, qui s’est étalé sur une période inusitée de trois ans (de juin 2014 à mai 2017), provoquant, dans les océans Atlantique, Indien et Pacifique, des mortalités sans précédent, allant jusqu’à 95 % pour certaines formations coralliennes. Quant au niveau moyen des mers, il a atteint, lui aussi, un nouveau record, en se situant 7,7 cm plus haut qu’en 1993, début des mesures altimétriques par satellites. L’élévation des océans est ainsi de 3,1 cm par décennie.

Arctique et Antarctique:

Année rouge, également, pour les régions polaires. Au nord, la température terrestre a surpassé de 1,6 °C la moyenne de la période 1981-2010, sans atteindre toutefois le niveau de 2016. L’étendue maximale de la glace de mer Arctique, au début du mois de mars, a été la plus faible depuis le début des observations satellitaires en 1980. Et son étendue minimale, en septembre, était inférieure de 25 % à la moyenne de la période de référence. En Antarctique aussi, la banquise a été mise à mal pendant une grande partie de l’année, avec, de janvier à avril, une surface réduite comme jamais au cours des trois dernières décennies.

Précipitations et sécheresses:

Les pluies extrêmes ont été, de façon générale, plus abondantes que la moyenne, avec des épisodes torrentiels dévastateurs en Inde, durant la saison des moussons, au Venezuela, en août et septembre, ou au Nigeria, au cours des deux mêmes mois. La Russie, de son côté, a connu l’année la plus humide depuis 2013. A l’inverse, après avoir baissé d’intensité au début de l’année, les sécheresses sévères ou extrêmes n’ont épargné aucun continent. Elles ont frappé particulièrement certaines parties de l’Amérique du Sud, de l’Afrique, de l’Inde, de la Russie, de la Chine et de l’Australie

Source : Le Monde

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