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L’affaire Cambridge Analytica plonge Facebook dans une crise historique

Aux Etats-Unis, les responsables politiques des deux bords réclament que le PDG du réseau social s’explique devant le Congrès, après les révélations sur l’utilisation des données personnelles.

Facebook est en train d’affronter l’une des pires crises de son histoire. De virulentes critiques fusent des deux côtés de l’Atlantique à l’encontre du réseau social, trois jours après les révélations du Guardian et du New York Times au sujet de Cambridge Analytica, une entreprise ayant joué les premiers rôles dans la campagne présidentielle de Donald Trump. La société britannique est accusée d’avoir, à travers un sous-traitant, siphonné les données personnelles de dizaines de millions d’Américains sur Facebook.

Aux Etats-Unis, les responsables politiques des deux bords réclament que Mark Zuckerberg, le PDG de Facebook, s’explique devant le Congrès. Les parlementaires ont déjà procédé à de longues auditions, à l’automne 2017, au sujet de l’ingérence russe dans l’élection de 2016 mais les patrons des principaux réseaux sociaux n’avaient pas fait le déplacement.

Dans une lettre commune, deux sénateurs, la démocrate Amy Klobuchar (Minnesota) et le républicain John Kennedy (Louisiane), membres de la commission judiciaire, ont réclamé que M. Zuckerberg soit auditionné – ainsi que ses homologues de Twitter et de Google. Trois sénateurs républicains siégeant à la commission du commerce, dont son président, ont pour leur part envoyé un questionnaire au PDG de Facebook. Deux élus démocrates, en pointe dans l’enquête sur l’ingérence russe, le sénateur Mark Warner (Virginie) et le représentant Adam Schiff (Californie), ont eux aussi demandé des explications au réseau social.

Très forte pression politique

Un autre démocrate, Ron Wyden, a réclamé dans une lettre des explications à Mark Zuckerberg sur la manière dont « des données d’utilisateurs de Facebook avaient pu être obtenues sans leur consentement par des tiers ». Les révélations, écrit l’influent sénateur de l’Oregon, sur les questions liées aux nouvelles technologies, « pose la question de savoir si les pratiques de Facebook sont prudentes voire souhaitables et souligne le danger à monétiser les données personnelles ».

Le procureur de l’Etat du Connecticut a de son côté annoncé l’ouverture d’une enquête, emboîtant le pas de son homologue du Massachusetts.

Alors que Facebook est déjà l’objet d’une très forte pression politique, notamment sur sa gestion de l’ingérence russe, cet épisode va apporter de l’eau au moulin de ceux, jadis inaudibles mais de plus en plus nombreux aux Etats-Unis, qui estiment les géants du numérique insuffisamment régulés.

Facebook pourrait cependant faire face à un danger financier plus immédiat : avec cette fuite, le réseau social a peut-être violé un accord noué en 2011 avec la Federal Trade Commission (FTC) concernant les données personnelles. Deux anciens membres de la FTC qui ont participé à la rédaction de l’accord ont ainsi expliqué au Washington Post que la fuite exposait le réseau social à de très importantes amendes.

« Une violation inacceptable du droit à la vie privée »

En Europe, où l’on est plus coutumier des critiques envers la Silicon Valley, la commissaire à la justice, Vera Jourova, a estimé ces révélations « effroyables [si elles étaient] confirmées ». « Je demanderai des clarifications à Facebook pour mieux comprendre ce problème », a-t-elle déclaré alors qu’elle se trouvait justement, aux Etats-Unis pour aborder la question de la protection des données personnelles. Les députés européens vont également se pencher sur la question a annoncé le président de l’institution, Antonio Tajani, pour qui cette affaire est « une violation inacceptable du droit à la vie privée de nos citoyens ».

Au Royaume-Uni, un porte-parole de la première ministre Theresa May a jugé « inquiétant » les révélations de la presse tandis que le président de la commission parlementaire sur le numérique, le conservateur Damian Collins, réclamait la venue de Mark Zuckerberg. Selon lui, le Parlement britannique, qui a auditionné récemment un cadre européen du réseau social, a été « trompé » par Facebook, qui a « sous-estimé » les dangers de l’utilisation des données personnelles par des tiers.

L’Information Commissioner’s Office (ICO), l’autorité britannique de protection des données personnelles, va quant à elle tenter d’obtenir un mandat de la justice pour perquisitionner les locaux de Cambridge Analytica.

Chute de Facebook en Bourse

Au moment où la présidente de l’ICO annonçait son intention sur les ondes de la chaîne Channel 4, des experts mandatés par Facebook se trouvaient justement dans les bureaux de Cambridge Analytica pour s’assurer que cette dernière avait bien supprimé les données irrégulièrement collectées. Sur demande de l’ICO, ils ont quitté les lieux dans la soirée. Selon Facebook, qui a été averti de la fuite dès la fin 2015, Cambridge Analytica l’avait assuré avoir fait disparaître les données. Selon le Guardian et le New York Times, l’entreprise britannique dispose encore d’une copie des données.

Le cours de Bourse de Facebook a pâti des révélations : à la clôture du Nasdaq, il avait perdu 6,8 %, soit plus de 30 milliards de dollars (24,3 milliards d’euros) de valorisation, sa pire journée depuis plus de cinq ans.

Alors que la tempête fait rage, le silence des capitaines est assourdissant. Ni son PDG, Mark Zuckerberg, ni sa directrice des opérations et bras droit, Sheryl Sandberg, ne se sont exprimés sur l’affaire. Cette dernière porte pourtant sur deux points cruciaux et ultrasensibles pour Facebook : son rôle exact dans l’élection présidentielle de 2016 et, plus fondamentalement, sa gourmandise en données personnelles et sa dépendance aux revenus issus de la publicité ciblée. On voit mal comment le réseau social, qui est aussi une gigantesque régie publicitaire, pourrait faire table rase du cœur de son modèle économique.

Source:(Le Monde)

 

 

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