Home / Culture, technologies et médias / Face à Spotify, les radios françaises lancent un « Netflix de l’audio »
Medias

Face à Spotify, les radios françaises lancent un « Netflix de l’audio »

Les stations des groupes Radio France, M6, Lagardère et Les Indés veulent reprendre la main sur la diffusion numérique de leurs contenus.

Après Salto, l’initiative française dans le streaming vidéo qui doit être lancée à l’automne par les groupes TF1, France Télévisions et M6, les radios lancent à leur tour une plateforme commune. Radio France, Lagardère News (Europe 1, Virgin Radio, RFM), Les Indés Radios (Oui FM, Latina, Voltage…), Groupe M6 (RTL, RTL2, Fun Radio) ont annoncé ce lundi matin la création d’une société commune afin d’offrir « une interface digitale simple et gratuite permettant d’écouter l’ensemble de leurs programmes radio et contenus audio sur les différents appareils numériques ». Téléphones mobiles, assistants vocaux et enceintes connectées, tableaux de bord numériques des voitures…, les radios sont amenées à être diffusées et concurrencées sur plusieurs supports aujourd’hui.

Dans son essai Le Nouveau Pouvoir de la voix (éd. Débats publics), Mathieu Gallet, l’ex-PDG de Radio France, explique bien que la radio est en danger si elle ne se réinvente pas face aux plateformes technologiques du type Spotify et Deezer, qui investissent beaucoup dans le podcast et connaissent parfaitement les goûts et les couleurs de leurs utilisateurs. L’enjeu consiste donc notamment à maîtriser les données de ses utilisateurs. En effet, si chaque radio dispose de sa propre application, les agrégateurs qui permettent d’écouter plusieurs stations ne sont pas gérés par les éditeurs eux-mêmes, mais par des sociétés concurrentes. « Cette coopération entre les principales radios françaises est une excellente initiative, qui doit nous permettre de reprendre la main sur la diffusion numérique de nos antennes et nos contenus », estime dans un communiqué Régis Ravanas, directeur général du pôle audio du groupe M6. « Avec ce projet, nous avons à cœur de mutualiser nos forces en créant notre propre plateforme », abonde Constance Benqué, la présidente de Lagardère News. « Nous tenons à ce que nos auditeurs retrouvent dans ce nouvel univers nos lignes éditoriales et nos prescriptions qui fondent la qualité du lien de confiance entre nous »indique Sibyle Veil, PDG de Radio France.

Un lancement début 2021

La plateforme commune n’a pas encore de nom. Il devrait être dévoilé dans les prochains mois. Selon nos informations, la nouvelle société annoncera début septembre si elle lance une plateforme nouvelle ou utilise une solution existante. Le lancement officiel de l’application devrait se faire en janvier 2021. « C’est une première étape. Dans une action collective, il est important d’avoir un support pour un mode d’action pérenne. Chacun a son droit de participation et de vote dans le système », commente Jean-Éric Valli, président des Indés Radios, qui a impulsé des négociations depuis deux ans. Ce dernier sera d’ailleurs le président de la plateforme commune. Les radios partenaires (Europe 1, Virgin Radio, RTL, France Inter, France Info, Les Indés Radios…) sont écoutées par environ deux tiers des auditeurs français. Pour l’heure, NRJ Group ou encore Skyrock et Radio Nova ne sont pas montés dans le train. « Des discussions sont en cours avec eux. Tout le monde a sa place dans le dispositif », insiste Jean-Éric Vialli. D’après nos informations, la restructuration en cours dans le groupe NextRadioTV a notamment retardé l’alliance de RMC pour s’allier à la plateforme.

Selon les derniers chiffres de Médiamétrie, environ 40 millions de Français écoutent en moyenne la radio durant la semaine. « Auparavant, l’écoute digitale de la radio tournait autour de 5-10 % du total. Mais la crise sanitaire et le confinement ont accéléré le mouvement. Aujourd’hui, l’écoute digitale avoisine 15 %. Il y a donc une véritable appétence pour les programmes sur le digital. On ne peut pas être spectateurs de la distribution et laisser les agrégateurs le faire à notre place. Il faut reprendre la main sur notre distribution. Il y a trop d’enjeux », poursuit Jean-Éric Valli. » D’après l’Alliance pour les chiffres de la presse et des médias (ACPM), le mois de juin 2020 est en progression de 11 % par rapport à juin 2019.

Quelle place pour les archives ?

Chaque radio de la structure commune décidera sa position quant à sa distribution sur des plateformes de type Spotify, Deezer, ou TuneIn. On peut imaginer, comme cela s’est passé avec la distribution des chaînes de la TNT et les opérateurs télécoms – on se souvient de la guerre de BFM TV avec Free et Orange –, que les radios réclament aux agrégateurs une rémunération s’ils souhaitent les distribuer. « Pour les stations, c’est un manque à gagner et on perd les données sur nos auditeurs », déplore un dirigeant du secteur.

Restera à déterminer si la plateforme commune se limitera à la diffusion des directs des antennes partenaires et de quelques podcasts d’actualité ou si des radios comme RTL, France Inter ou Europe 1 opteront pour ouvrir leurs boîtes à archives. « C’est un vrai sujet de savoir à partir de quelle date on met à disposition les programmes sur le digital. Certaines radios ont de très belles archives qui datent de plus de 50 ans », reconnaît Jean-Éric Vialli. Selon lui, il est important pour l’auditeur d’avoir le choix entre deux univers complémentaires, « la radio qui doit veiller à garder son capital humain, avec de vraies personnes qui parlent », et les agrégateurs, avec « leur côté robot » et leurs algorithmes.

Source : Le Point.fr

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *